« Nous aspirons à un journalisme augmenté, pas à un jugement humain diminué »


L’intelligence artificielle (IA) est en passe de transformer radicalement le monde du journalisme et de l’information. Comment assurer l’indépendance éditoriale si des modèles de langage opaques régis par des intérêts privés sont utilisés par les rédactions ? Comment garantir l’intégrité de l’information lorsque la majorité des contenus du Web sera générée par des IA ? Comment empêcher la fragmentation de l’espace informationnel en une multitude de flux alimentés par des robots conversationnels ?

Il serait hasardeux d’anticiper toutes les conséquences de l’IA dans les médias. Mais une chose est certaine : l’innovation ne mène pas au progrès per se. Elle doit être accompagnée de régulations appropriées et de garde-fous éthiques pour bénéficier à l’humanité. L’histoire des techniques, de l’interdiction du clonage humain aux traités de non-prolifération nucléaire en passant par le contrôle sanitaire des médicaments, offre pléthore d’exemples où le développement technologique a été interrompu, encadré ou guidé au nom de l’éthique. De même, l’innovation dans le journalisme doit obéir à des règles éthiques claires.

A l’été 2023, Reporters sans frontières (RSF) a réuni une commission internationale pour élaborer ce qui allait devenir la première référence éthique mondiale pour guider les médias à l’ère de l’IA. Sa composition : trente-deux personnalités issues de vingt pays différents, spécialistes du journalisme ou de l’IA.

Pour la présider, nulle autre que Maria Ressa, lauréate du prix Nobel de la paix 2021, qui incarne autant les enjeux de la liberté de la presse que l’engagement face aux bouleversements technologiques (elle dénonçait, depuis la tribune d’Oslo, la « bombe atomique invisible » du numérique).

Une alliance inédite

Un objectif clair : déterminer un ensemble de principes éthiques fondamentaux pour protéger l’intégrité de l’information à l’ère de l’IA. Cinq mois de réunions, 700 commentaires, une consultation internationale : les travaux ont mis en évidence des convergences de vue, et aussi dessiné des lignes de fracture. Il n’est pas aisé de faire coïncider des perspectives aussi différentes que celles d’ONG de défense du journalisme, des organisations représentatives des médias pour la presse et la télévision ainsi que des consortiums de journalisme d’investigation. Sans oublier la Fédération européenne des journalistes. C’est une alliance inédite qui s’est rassemblée autour d’une table numérique.

En réponse aux bouleversements causés par l’IA dans l’espace informationnel, la charte publiée à Paris en novembre 2023 énonce dix principes pour garantir l’intégrité de l’information et préserver la fonction sociale du journalisme [plus de cinquante ans après la charte de Munich sur les devoirs les droits des journalistes]. Il est indispensable que la communauté internationale coopère pour s’assurer que les systèmes d’IA préservent les droits humains et la démocratie, mais cela n’exonère par le journalisme de responsabilités éthiques et professionnelles particulières envers ces technologies.

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